lundi 30 juin 2014

DE BHALIL A ZAIDA samedi 17 mai (jour 6)


Vous trouverez ici le tracé du jour ITINERAIRE 264km
durée totale : 6h14
durée de déplacement : 6h06
vitesse moyenne : 42 km/h
altitude max : 2080m


BHALIL

Réveil tranquille ce matin vers 8h00 par un bruit de pluie, je pousse les volets et m'aperçois que Kamal arrose son jardin sur toit depuis sa terrasse! On prend le petit-déjeuner tous ensemble (Clara, Michel, Naïma, Kamal) sur la terrasse. 

Kamal en action
Jardin sur le toit
Le festin matinal

Quel repas! Crêpes au mille trous(baghrir), gâteau croustillant et moelleux de semoule au beurre(harcha), marmelade d'orange maison, confiture de raisin, huile d'olive, salade de fruit et yaourts maison, oeufs durs, pains frais maison (khoubz), vache qui rit, jus d'orange ... bref un festin et toujours excellent grâce au tour de main culinaire de Naïma.

Kamal le jardinier


Kamal nous propose de faire le tour du village, nous partons vers 10h. Il est très préoccupé par la propreté du village et tente d'éduquer les habitants à maintenir les rues intactes. Un point de collecte a été installé pour faciliter le rejet des déchets. Mais Kamal doit rester vigilant car comme il le dit les Marocains peuvent être fainéants et ne voient pas de problème à jeter les ordures depuis leur fenêtre! Dès qu'il voit des papiers par terre, il les ramasse ou les fait ramasser par un enfant. L'objectif de Kamal est de sortir le village de sa léthargie et lui donner une nouvelle dynamique en s'appuyant sur un des atouts majeurs que sont ses femmes fabriquant les boutons de djellabas.
Kamal soutient aussi plusieurs artisans dont un menuisier, Latef, qu'il a installé dans un atelier, fait travailler et souhaite qu'il se développe de lui-même maintenant. Il fabrique des portes, des étagères, des supports de lampes, rénove de vieux coffres ...

Rénovation d'une vieille urne
Latef le menuisier
Atelier de menuiserie aménagé dans les
anciennes réserves (caves creusées) du village

Le foyer
Plus loin, nous entrons dans le four commun du village tenu par Aziz. Ici, il cuit le pain fabriqué et déposé par les femmes du village. Chaque pâte est recouverte d'un torchon qui caractérise son propriétaire et qu'Aziz reconnait. Il se fait payer pour la cuisson du pain qu'il fait dans un four ouvert alimenté en bois. Le plus souvent ce sont de jeunes enfants qui sont missionnés pour aller et venir chercher le pain. 
Classe de l'école d'Aziz 
et sa femme
Le fameux pain rond 
(khoubz)

Il existe d'ailleurs une vidéo sur le four communal de Bhalil et Aziz




Nous continuons à déambuler dans les rues et évoquons le rôle charnière et la responsabilité qui incombent à Kamal de pousser le village vers un développement que tout le monde ne souhaite pas, soit par peur du changement et pour préserver un mode de vie qui fait leur bonheur, soit par la jalousie qu'entraine le fait que Kamal est souvent accompagné de touristes et donc de devises potentielles. Pour le peu temps passé à le côtoyer, je suis au moins persuadé d'une chose c'est que la démarche et la générosité de Kamal sont sincères et que les efforts qu'il fait pour son gite et le village servent tout le monde.






Sur le retour au gîte, nous retrouvons la mère de Wahid le tailleur qui nous invite à rentrer chez elle. Cette femme de 80 ans a une énergie folle, un sourire permanent et un visage d'une grande beauté. On entre chez elle ou elle pétrit son pain dans une jatte en bois à même le sol de sa cuisine. Elle fait ça tous les jours mais cuit son pain à domicile car elle possède un four à l'étage qu'elle est fière de nous montrer. 
Elle poursuit la visite de la maison par sa chambre, sa terrasse avec sa machine à laver le linge, ses deux salons, ... Les pièces sont grandes, propres, rangées avec toutes la vaisselle, les ustensiles et le mobilier nécessaires. Elle vit ici avec sa sœur qui s'est séparée de son mari il y a plusieurs mois. Depuis ce que les marocains appellent la loi des femmes, ces dernières n'ont plus besoin de demander à leur mari si elles peuvent les quitter! Du coup, elles déposent volontairement leur demande auprès du juge. Je dois dire que plus d'un homme m'en parlera durant mon séjour, vivant çà avec une certaine crainte mais aussi avec philosophie.
Quel bonheur d'avoir pu rencontré cette femme si pleine de vie et si touchante, elle restera comme un grand souvenir de mon séjour au Maroc.

Le problème avec Kamal est que le temps passe très vite tant il est passionné et souhaite le faire partager. Il est déjà 13h00 et le temps de faire les valises, sortir la moto, je ne partirai que vers 14h. Je suis triste de partir et j'ai hésité à rester mais même si Kamal est prêt à me faire le même prix, ça reste au-dessus du budget que je me suis fixé. Cette courte halte aura été forte et intense pour moi car pleine de partage et de générosité, j'avoue qu'une grosse charge d'émotions viendra me submerger après mon départ et embuer mon regard...

DAR KAMAL CHAOUI
1 nuit avec petit dèj 40€ (avec promo) + diner 16€
Présentation du gite
Adresse su site internet Dar Kamal Chaoui

Si vous souhaitez réserver chez Kamal, vous lui indiquez venir de ma part ou vous passez par moi pour bénéficier de 10% sur votre logement.

Direction le sud pour aller vers Midelt. Il fait beau et bon, j'ai hâte d'attaquer la montagne car je dois passer par Ifrane, ville aux faux airs de station d'altitude européenne. A cette époque la ville est calme et beaucoup de maisons et d'établissements sont fermés, l'architecture rappelle celle des paysages alpins connus, héritage de notre présence coloniale. Malgré tout, ça ne vaut pas plus qu'un passage et je ne m'attarde pas et file maintenant vers Ain Leuh par la P7215 très agréable route de montagne ombragée par les résineux. Il existe aussi la P7217 dite route touristique des cèdres, à essayer la prochaine fois.



Rencontres de bord de route
Superbe plateau à 1500m


La région est spécialisée dans la production de cerises et c'est la pleine saison de la récolte. J'en achèterai en bord de route mais un peu déçu car elles sont petites et peu goûteuses. 


Sans vraiment m'en rendre compte je vais rouler entre 1500 et 2100m d'altitude toute la journée en enchaînant les passages de plateaux tous grandioses. Je croiserai essentiellement une population de bergers qui vivent dans l'isolement. Je verrai plusieurs fois des mini campements faits de bois et de toiles plastique surement installés à partir du printemps quand la neige a fondu. Les femmes vont ramasser du bois de chauffage qu'elles transportent à dos d'âne et beaucoup de très jeunes enfants courent et jouent autour des camps. Leurs vêtements laissent à penser qu'ils vivent dans un dénuement et une pauvreté très avancés.

Après les sources d'Oum er Rbia, je cherche à me diriger vers Midelt mais je dois me tromper de route et m'enfonce peu à peu dans une forêt de cèdres majestueux dont la route, anciennement bitumée, s'est transformée en piste soit de terre, soit de cailloux plus ou moins gros. C'est la 1ère fois que je roule vraiment sur piste et je suis bien content d'avoir mes pneus TT très rassurant sur ce revêtement. Peu à peu, je prends confiance et commence à m'amuser en contrôlant les accélérations par des dérapages. Le paysage est vraiment somptueux et je me sens tout petit parmi ces grands arbres. Je me régale en pilotage mais l'heure avance et le soleil s'approche lentement mais surement de l'horizon ou plutôt des sommets environnants. Le problème est que je ne sais pas trop où je suis, le GPS est paumé depuis longtemps et ma route ne figure pas sur ma carte routière. Je rencontre parfois des personnes en bord de route dont une femme et son enfant qui remplissent des bidons auprès d'une source. Après m'avoir confirmé que j'étais bien sur la route d'Itzer, ville étape pour Midelt mais dont je compte maintenant faire ma destination finale ce soir, je fais maladroitement tomber la moto en la manœuvrant pour faire demi-tour. Fais ch..., bon ce sera la seule du trajet et les dégâts sont mineurs grâce aux valises latérales qui ont absorbé le choc et au guidon mais qui me laissera l'impression d'avoir bougé. Je ne sais pas encore s'il est tordu mais cette sensation s'estompera après plusieurs jours, le temps que ma main droite s'habitue. 
Je m'arrête régulièrement pour qu'on me confirme ma route car rares sont mes interlocuteurs avec lesquels je partage deux mots de la même langue et j'ai besoin d'être rassuré. Une des personnes interrogées me dira juste que c'est loin, très loin avant d'arriver à Itzer, à 40km/h de moyenne sur cette piste il fera nuit avant que j'arrive. 



Je poursuis sur une route à flanc de montagne, traverse des vallées vertes, des zones boisées où j'aperçois un groupe de singes. J'apprendrai en rentrant qu'il n'y a pas qu'eux dans cette forêt, il y aussi des panthères et des hyènes! Quand je pense rétrospectivement que j'ai envisagé la possibilité de dormir dans cette forêt car je ne voyais pas la fin de cette piste! Gloups! 




Tant bien que mal je finis par retrouver la route de Midelt (R503) mais maintenant il fait nuit. Selon les conseils recueillis en bord de route, je vais plutôt chercher un hôtel à Zaïda qu'à Itzer, j'arrive dans une ville peu éclairée mais très animée. Un pompiste me recommande un établissement (hôtel la pomme) à la sortie de la ville sur la route de Midelt, celui-ci est attenant à une autre station service ZIZ. La négo se fait à 200Dh (nuit+petit dèj) pour une chambre impersonnelle, grande (3 lits) et propre plus 10Dh pour le gardien de nuit qui surveillera la moto.
Je mange mais quelques cerises, fait un brin de toilettes et me couche. Je suis fourbu après cette journée très chargée en émotions 
A savoir qu'il existe le Ksar Timnay plus loin sur la route qui est recommandé par de nombreux voyageurs.



























mardi 24 juin 2014

DE CHEFCHAOUEN A BHALIL vendredi 16 mai (jour 5)


Vous trouverez ici le tracé du jour ITINERAIRE 260km
durée totale : 8h39
durée de déplacement : 8h10
vitesse moyenne : 30 km/h
altitude max : 1008m


Petit dèjeuner à l'hôtel dans la salle commune, rien d'exceptionnel mais copieux.



Il ne fait pas trop chaud et le temps est couvert sinon je me serai installé sur la terrasse. L'appli météo annonce même des orages vers Fès. J'avais aussi prévu de me lever tôt pour faire des photos du village à la lumière du matin, sans l'appareil c'est devenu plus compliqué. J'ai bien regardé la référence de mon objectif photo sur le Bon Coin local "Bikhir.ma" mais je ne trouve rien.

Je pars vers 10h direction Séfrou en me disant que je passerai par Fès pour trouver un réparateur photo.
Après avoir parcouru un morceau de la N13, j'emprunte la P4103 après Laghdir. Une route de montagne avec un revêtement partiellement dégradé mais qui offre de beaux panoramas. Arrêt ravitaillement à Mokrisset pour acheter de l'eau et des biscuits, "C'est pas une moto, c'est un avion!" me lance un monsieur admiratif. Il est vrai qu'il intrigue et attire le TDM ainsi équipé du sabot, des 3 valises et des pneus TT. Je poursuis par la R408 afin de rejoindre le barrage El Wahda, le plus grand du Maroc (le 2è d'Afrique). Avant je passe par Ain Dorij où je fais le plein d'essence et c'est l'occasion de discuter et de rire car de nombreuses personnes se sont regroupées autour de moi. Aux abords du barrage en face d'une caserne militaire je passe devant un local où des hommes sont attablés, de la viande repose sur un comptoir et surtout un barbecue exhale de bonnes odeurs de brochettes de viande en cuisson. je décide de m'arrêter dans ce que j'appellerai un "snack".


L'accueil est un peu distant, surement peu habitué à recevoir des étrangers et personne ne parle le français. Au comptoir extérieur où repose un gros morceau de viande de mouton, je m'adresse au patron, j'aurai bien pris des brochettes de viande mais ne sachant pas le dire en arabe, seul le mot kefta me vient en tête. Il m'indique de m'asseoir autour d'une table en plastique. En attendant, j'observe le patron hacher de la viande et préparer mes boulettes en les moulant à la main puis les confier au jeune qui s'occupe de la cuisson qui les place entre 2 grilles. Après plusieurs minutes, on m'apporte une grande assiette en métal avec une dizaine de grosses boulettes, une corbeille de pain rond (khoubz). Avant, il m'avait placé un verre et une carafe d'eau que bien sûr je n'utiliserai pas. Déchirer un morceau de pain, prendre un morceau de viande juteux avec et déguster une bouchée savoureuse et goûteuse a été un vrai bonheur. Je finirai avec un grand plaisir cette assiette. Entre temps un vieux monsieur est arrivé, manifestement le papa du patron, on lui prépare un petit sandwich de viande puis il s'ouvre une orange à quelques pas de moi. Se levant, il vient vers moi et m'offre les 3/4 de son orange que j'accepte avec plaisir. Geste inattendu et chaleureux qui malgré la barrière de la langue va permettre de finir le repas à ma table autour d'un thé à la menthe avec le patron, son papa et du jeune. Je leur montre mon parcours sur une carte du Maroc qu'ils semblent découvrir. Décidément les contacts avec les Marocains sont simples, chaleureux et sans contre-partie, c'est un vrai réconfort.

Pour info, cette petite pause me sera facturée 28Dh (23Dh de keftas et 5 pour le thé).
Passage au pied du barrage dont la base très large est vraiment impressionnante. Des soldats en petit nombre sont présents autour de cet ouvrage comme partout au Maroc pour ce type d'ouvrages. Des panneaux indiquent aussi de ne pas les photographier, ce qui à l'heure des satellites apparaît un peu dépassé. La retenue d'eau est magnifique et offre des couleurs intenses variant du bleu au vert. Je poursuis mon chemin vers Fès où j'ai décidé de passer pour essayer d'y réparer mon appareil photo. La route est parfois difficile avec des ondulations de goudron qui surprennent et font même tapées au sol le sabot moteur.
Arrivé à Fès, je suis pris "en charge" par 2 jeunes à mobylette qui me renseignent gentiment sur l'endroit où trouver des magasins photo.



Grosse chaleur aujourd'hui et l'activité trépidante de cette grande ville contraste avec ce que j'ai cherché et vu jusqu'alors. Je me suis vite fait "attrapé" par un rabatteur, un peu agressif au début et qui cherchera d'abord à me faire rencontrer un réparateur puis à me vendre un appareil. Je m'en séparerai gentiment mais fermement car même si je ne doute pas qu''il cherchait à m'aider, il était très envahissant.

Déçu de n'avoir rien trouvé, je repars trempé de sueur tant il fait chaud et j'ai hâte de trouver une chambre à Séfrou. Malheureusement, le Dar Attamani est dans l'enceinte de la médina inaccessible à moto et je n'ai pas envie de trimbaler tous mes bagages d'un parking extérieur jusqu'à l'hôtel. Localement on me confirme que cet hôtel est le meilleur et qu'il faut éviter l'autre. Fatigué je m'installe en terrasse d'un café, je pense alors à consulter l'appli Booking.com qui m'indique une maison d'hôtes, le Dar Kamal Chaoui à Bhalil (5km) pour 40€ la nuit. C'est au-dessus de mon budget mais les photos et la note donné sur le site me décident à y aller. Réservation minute sur le smartphone, "enfourchage" de la moto, arrivée 10 min après à Bhalil. Alpagué rapidement par un "rabatteur" local, celui-ci m'indique dans la rue un couple d'hollandais qui loge aussi au gîte. Je les interpelle et Michel, compagnon de Clara, appelle Kamal sur son portable qui arrive 5 min après. En fait, le gite est difficilement accessible à moto mais Kamal va régler le problème rapidement, non sans m'avoir fait part gentiment qu'il aurait préféré que j'arrive directement sans passer par Booking.com qui lui prend 20% sur le montant affiché! Kamal est très volubile et parle un excellent français, j'apprendrai qu'il a travaillé 29 ans en France, il parle aussi très bien l'allemand, l'anglais et bien sûr l'arabe. Comme me dit Michel, c'est surement la personne la plus "clever" rencontrée au Maroc. J'ai hâte de me détendre et de me doucher mais avant, nous allons installé la moto dans un box d'une rue étroite de Bhalil. Ce box qui appartient à Kamal est en fait un atelier qu'il met à disposition d'un menuisier. Kamal est marié, sa femme est à Fès et ils ont 3 enfants. Très bavard, il adore partager et possède suffisamment de recul pour parler avec beaucoup d'objectivité des cultures marocaine et occidentale. Il me fait visiter l'ensemble du Dar (maison) avec sa terrasse qui offre une vue sur les toits de Bhalil 




et au loin sur la ville de Fès. Les hollandais logent dans une chambre au niveau de la terrasse. Kamal me propose de choisir la chambre que je veux dans laquelle je prendrai une douche bien méritée.

Nous prendrons le dîner tous ensemble, y compris Naïma l'employée de Kamal qui va nous servir la meilleure cuisine que j'aurai l'occasion de manger au Maroc. Ce soir, elle nous sert une Chaarya au poulet, plat de vermicelles accompagnés de morceaux de poulet et d'épices, ça change de l'éternel tajine!



La spécificité de Bhalil est que toutes les femmes (quasiment) du village se consacrent à la fabrication des boutons de djellabas. Elles offrent alors un spectacle inédit puisqu'on voit des femmes le plus souvent assises qui cousent les boutons à même la rue. A d'autres moments, elles vont fixer des fils fins à des crochets sur 8-10m puis les torsader à l'aide d'un petit moteur rotatif électrique qui permettre d'en faire des fils très résistants qui serviront à la confection des boutons.





A l'issue du repas, Kamal nous propose d'aller rencontrer Wahid, un ami tailleur qui confectionne des djellabas et des caftans pour les femmes. Il est 23H!! On se présente dans la boutique où se trouvent Wahid, sa femme et sa maman. Il découpe du tissu sur son comptoir et nous explique son métier, les différents usages de ces vêtements et la façon dont il prend les mensurations de ses clientes, avec beaucoup de tact et en évitant tout contact bien sûr. Beau moment d'échanges grâce à la générosité naturelle de nos hôtes, je vais bien dormir.